Il y a quelque temps une rumeur se répandait, les USA s’apprêtaient à lancer une guerre préventive contre l’Iran, un état supposé terroriste enclin à détenir des armes nucléaires.
On connaît la raison objective de cette rumeur menaçante : le contrôle de sources d’énergie pétrolières dans un monde qui va en manquer bientôt ; cette simple raison justifie déjà des paroles et des gestes de résistance de la part de tous ceux qui oeuvrent pour la Paix et ne peuvent tolérer cette banalisation de l’idée de guerre préventive. Mais il est une deuxième raison tout aussi réelle et peu originale : lorsqu’une société (en l’occurrence les USA et bientôt l’Europe si rien ne change) est menacée d’implosion, lorsque en particulier les écarts de revenus et de situations deviennent intolérables, l’union sacrée contre un ennemi imaginaire, construit par les médias, sert de colmatage à toutes les brèches en train de se créer, on appelle cela le bouc émissaire, la promesse de sécurité contre toutes les peurs provoquées artificiellement demeure le ciment ultime pour tenir ensemble un corps en train de se disloquer.
Ce qui est vrai à propos d’un ennemi aux frontières d’un Occident inquiet d’avoir à partager les richesses, d’avoir à accueillir les laissés pour compte de la mondialisation, l’est aussi des franges d’une société que l’on appelle les banlieues (un mot dont la généralité dénote une forme de mépris) qui sont elles aussi désignées ou plutôt leurs habitants, en particulier les jeunes sans travail, comme source potentielle d’un danger pour une société qui a perdu tous ses repères, les aggrave par l’injustice croissante et les occulte par l’exaltation de valeurs égoïstes et individualistes dont l’origine se trouve dans tous les comportements belliqueux et guerriers dont nous avons hérité de nos ancêtres qui ont connu l’Europe des Nations concurrentes pour la domination du Monde.
Ainsi le développement de toutes les politiques de sécurité qu’elles soientinternationales, nationales ou aujourd’hui communales, ont pour lien la peur de l’autre. L’autre vécu comme le délinquant potentiel qui menace mon confort matériel et moral, l’autre dont je dois me méfier parce que à priori il ne m’aime pas et veut me dérober mes biens et peut être ma vie.
Cette conceptionde l’homme n’est pas celle des chrétiens et appelle à ce que des gestes de résistance lui soient opposés.
L’homme n’est pas un loup pour l’homme, mais un frère avec qui un chemin doit être parcouru pour toujours construire ce monde réconcilié, guéri de ses haines et de ses jalousies.
A la société de méfiance et de sécurité, doit se substituer la société de confiance et d’hospitalité, hospitalité pour ceux qui dans nos « quartiers » difficiles attendentd’être accueillis, attendent que les incivilités de la société à leur égard soient corrigées, hospitalité pour ceux qui cherchent à vivre après de longs périples dans une terre accueillante qu’on ne peut leur refuser.
Mais pour cela il faudra réapprendre une vertu, celle du partage, partage qui nécessite qu’une sobriété nouvelle se déploie chez les plus riches afin que le monde cesse de ployer sous l’utilisation honteuse des richesses confisquées par une minorité.
On dira qu’il s’agit là d’utopie et d’angélisme, pourtant l’angélisme et l’utopie, c’est à dire l’irresponsabilité sont bien du côté de ceux qui croient
1) que les politiques préventives de contrôle, de surveillance sont les garanties du confort des nations riches et de leurs minorités privilégiées.
2) Que l’on pourra limiter la croissance des nations pauvres sans renoncer à notre consumérisme insensé.
3) Que l’on retiendra aux portes des frontières des états riches, des peuples qui n’ont d’autre choix que de mourir ou de fuir.
Pourtant, il est une autre voix prophétique peut être, mais en tout cas réaliste, celle qui ne veut pas attendre que les solidarités, les fraternités nouvelles, soient les lendemains de combats, de catastrophes qui contraignent les hommes à plus de sagesse, mais qui veut que dès aujourd’hui se posent les gestes de résistances et de renouveau pour un monde qui veut encore espérer, espérer en l’homme, espérer en ce que Dieu lui a confié, une création à faire fructifier.
Le monde n’est pas appelé à devenir une poubelle géante et encore moins le cimetière de toute vie. Or c’est ce vers quoi nous mènent tous ceux qui traînent les pieds à regarder les choses en face. Il est des temps où il faut se rappeler que la réalité n’est pas celle que l’on veut bien voir, mais celle qui se dévoile lorsque certains hommes et femmes libres prennent le risque de dire la vérité..
On nous dira encore que l’opinion publique n’est pas prête et pourtant faut-il se laisser enfermer dans cette idolâtrie nouvelle, ce dogme incontournable qu’est l’opinion publique, la déesse nouvelle d’un monde qui se croit véridique par ce que sécularisé affranchi des religions antiques et éclairée par la science lumineuse d’une rationalité instrumentalisée.
Pour notre part nous n’avons jamais rencontré cette opinion publique frileuse, égoïste, peureuse, raciste …Par contre nous avons rencontré des hommes et des femmes et aussi des enfants de tous bords politiques, de toutes classes sociales, généreux, ouverts, bienveillants, prêts à résister dans leur école, leur quartier, leur paroisse, leur association à tout ce que la société et certains de ses dirigeants génèrent d’injustice, de désespoir et de souffrance.
Aussi sommes nous remplis d’espérance dès maintenant car nous savons que celui qui a ouvert le chemin de la Vérité et de la Vie ne nous abandonne pas et nous accompagne sur les sentiers risqués mais chargés de la promesse d’une humanité réconciliée : réconciliée avec la création qui l’abrite, réconciliée parce que tous y trouvent une place conforme à leur dignité et à leur vocation d’image du Dieu d’Amour, de Paix et de Justice.
Jean-Pierre RIVE